La Ligne est Coupée

Droit Social

Les règles de bienséance imposent aux couples de ne pas se « larguer » par téléphone. Il en est de même en droit du travail, comme une jurisprudence de la Cour de cassation l’a récemment confirmé (Cass. soc. 28-9-2022 n° 21-15.606 F-D, Sté Bourg Distribution c/ S).

En l’espèce, un employeur, certainement pétri de bonnes intentions et ne voulant pas faire durer le suspense, avait, simultanément à l’envoi de la lettre de rupture, téléphoné à son futur ex salarié pour l’informer de ce qu’il était licencié. Bien mal lui en a pris, car ce faisant, il prenait le risque d’une requalification en licenciement verbal, et donc abusif. Le juge saisi du litige – car ces choses-là arrivent ! – doit alors mener un travail d’enquête, pour établir la chronologie des faits.

La cour d’appel a ainsi conclu que le salarié démontrait avoir été licencié verbalement par téléphone concomitamment à l’envoi du courrier de licenciement. Conformément à la jurisprudence constante de la Cour de cassation relative à la portée d’un licenciement verbal, elle a jugé cette rupture dépourvue de cause réelle et sérieuse et condamné l’employeur à indemniser le salarié de son préjudice (Cass. soc. 12-12-2018 no 16-27.537 F-D : RJS 3/19 no 157).

L’employeur a formé un pourvoi en cassation, en rappelant que c’est le jour d’envoi de la lettre qui marque la volonté de l’employeur de mettre fin au contrat de travail et donc entérine la rupture, et d’avoir téléphoné le même jour serait donc sans incidence.

Mais attention, car c’est là que cela devient subtil : est-ce la date ou l’heure de l’expédition du courrier qui devait être retenue ?

La Cour de cassation, saisie du litige, entend l’argument de l’employeur et censure la décision des juges du fond. La cour d’appel n’aurait pas dû se contenter de comparer les jours, elle aurait dû vérifier les heures, car il ne pouvait être exclu que l’appel téléphonique se soit produit après l’envoi de la lettre (le cachet de la Poste faisant foi n’est-ce pas). Ce travail devra donc être fait par la Cour d’appel de renvoi, qui effectuera donc un véritable travail d’enquête avec relevés téléphoniques et heures d’ouverture du bureau de poste (on recommande en tout état de cause de toujours bien conserver le récépissé de la Poste, car il est bien utile pour faire foi).

Sébastien Bourdon

 

Qualifier la faute, exercice ardu

Droit Social

Tout est subjectif n’est-ce pas, et décider pour l’employeur ce qui relève de la faute grave n’est alors pas chose aisée, le couperet prud’homal pouvant tomber pour peu que le salarié conteste ensuite la mesure. Tant de paramètres sont à prendre en compte, et l’on ne saurait se cantonner à sa propre vision du monde, fut-il celui de l’entreprise.

Dans l’arrêt du 13 avril 2022 dont il va être ici question, la Cour de cassation en a donné une illustration pertinente.
En l’espèce, un salarié, responsable d’études dans un organisme bancaire – activité funky s’il en est – est licencié pour faute lourde pour avoir détruit ou cherché à détruire des données appartenant à son employeur, téléchargé des documents sensibles concernant un projet de partenariat et téléchargé sur son poste de travail un logiciel de violation de mots de passe de messagerie, une pratique évidemment interdite par le règlement intérieur de l’entreprise (sans blague).
Ce serait tout que ce serait déjà pas mal, mais à ces indélicatesses, l’impétrant en avait ajouté d’autres : Il s’était également, au moyen de ce logiciel de piratage, connecté à la messagerie de sa responsable hiérarchique et avait ainsi pu accéder à sa correspondance, tant professionnelle que personnelle. Il avait de surcroît enregistré sur son propre poste de travail (dans un dossier qu’il avait délicatement baptisé « Baise la pute » …) des messages et pièces jointes se trouvant dans ladite messagerie. Il avait enfin envoyé à sa supérieure hiérarchique une série d’e-mails « particulièrement déplacés et allusifs » ayant généré chez celle-ci un « malaise s’étant transformé en angoisse ». Et oui, l’oppression au travail peut également suivre le chemin inverse à celui que l’on imagine et venir des subordonnés.
La faute lourde s’était – on a envie de dire, logiquement – imposée à l’employeur (rappelons que doit ici être caractérisée l’intention de nuire et que la sanction est privative de toute indemnité, à l’exception du solde de congés payés).
Le Conseil de prud’hommes confirme le bien-fondé de la sanction, mais avec cet acharnement judiciaire qui fascine parfois, le salarié conteste à nouveau, et grand bien lui en a pris car les juges d’appel requalifient la faute lourde en cause réelle et sérieuse, ce qui n’emporte pas tout à fait les mêmes conséquences indemnitaires pour l’employeur : même si la rupture du contrat est jugée justifiée, il est condamné à verser les indemnités de rupture au salarié (indemnité conventionnelle de licenciement et indemnité compensatrice de préavis).
L’employeur, légitimement un peu agacé, insiste, conteste à son tour et saisit la Cour de cassation : balle au centre, la faute grave est retenue en lieu et place de la faute lourde. L’employeur n’avait donc pas à verser les indemnités de rupture au salarié (si vous suivez ce que j’écris : à l’exception de l’indemnité compensatrice de congés payés restant due).
On peut avoir raison, mais il faut reconnaître que cela peut prendre du temps que de se l’entendre dire.

Sébastien Bourdon

Le sexisme vu du droit (du travail)

Droit Social

La Cour de cassation est récemment venue livrer son point de vue sur les limites de la blague sexiste dans le cadre du contrat de travail (Cass. soc. 20-4-2022 n° 20-10.852 FS-B, M. T. c/ Sté Satisfy).

Le sujet était épineux et elle s’en est fort bien sortie, faisant preuve de mesure comme de sagesse, tout en étant implacable dans sa décision.
On ne nous en voudra pas de commencer par donner notre opinion sur la blague qui aboutit au licenciement : elle est inqualifiable. On n’a rien contre le mauvais goût, mais ça dépend où et quand on le place, et surtout il faut être drôle, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
Au-delà de la nullité crasse de la vanne – la Cour de cassation n’est pas là pour nous expliquer ce qui doit ou pas nous faire rire – se pose ici la question de la liberté d’expression dans le cadre du contrat de travail.

Un animateur (dont j’avoue tout ignorer), engagé par contrat à durée déterminée pour animer une émission de télévision est invité sur une chaîne concurrente pour promouvoir son spectacle. En fin d’émission, il s’exprime en ces termes : « les gars, vous savez c’qu’on dit à une femme qu’a déjà les deux yeux au beurre noir ? On lui dit plus rien, on vient déjà d’lui expliquer deux fois ! ». Au regard du sujet et du contexte, cette blague abominable a légitimement agité le monde médiatique.
Loin de s’amender, le garçon réitère ses propos dans sa propre émission. Il est alors mis à pied à titre conservatoire par la chaîne qui l’emploie et son contrat de travail est ensuite rompu pour faute grave.
Ceux qui me lisent le savent, grande est mon appétence pour les jurisprudences illustrant le manque absolu de retenue ou de décence. Ainsi, en l’espèce, alors que le conseil des prud’hommes et la cour d’appel avaient validé le licenciement du salarié, le gus télévisé se pourvoit en cassation, estimant qu’il n’avait commis aucun abus de sa liberté d’expression en formulant « un trait d’humour provocant, a fortiori lorsqu’il le fait en sa qualité d’humoriste ».
Autant dire que les juges suprêmes étaient attendus au tournant, et qu’il ne fallait pas se louper, s’agissant de positionner le curseur de la liberté d’expression en entreprise.
On appréciera dans le contexte tant la décision que la pédagogie dont a fait preuve la Cour de cassation. Pour débouter le salarié de ses demandes et donner raison à l’employeur, la Cour appuie son raisonnement sur l’article 10 de la convention européenne des droits de l’Homme, qui garantit la liberté d’expression, ainsi que sur l’article L 1121-1 du Code du travail.
Les juges rappellent, en premier lieu, le principe selon lequel la rupture du contrat de travail motivée par les propos tenus par un salarié constitue une ingérence manifeste de l’employeur dans l’exercice de son droit à la liberté d’expression.
Mais un tempérament à ce principe est apporté. Il appartient en effet aux juges du fond saisis du litige de vérifier si, concrètement, une telle ingérence était nécessaire « dans une société démocratique » (carrément). Pour ce faire, la Cour de cassation retient trois critères cumulatifs, selon une méthodologie habituelle visant à mettre en exergue l’abus éventuel du salarié et la proportionnalité de la mesure :
• – la nécessité de la mesure au regard du but poursuivi ;
• – son adéquation ;
• – son caractère proportionné à cet objectif.
La Cour de cassation s’attarde ensuite sur la démarche des juges du fond qui avaient pris soin de confronter les intérêts en présence l’appréciation in concreto de ces derniers :
• – les obligations contractuelles liant le salarié à son employeur ;
• – la qualité ou la nature de l’employeur ;
• – le contexte dans lequel s’inscrivent ces propos, tant au plan médiatique qu’en ce qui concerne les temps et lieu dans lesquels ils ont été tenus ;
• – le comportement du salarié par la suite.
Et c’est ainsi que l’élégant animateur se révèle – oh surprise – avoir tout faux. S’agissant tout d’abord de ses obligations contractuelles (on notera au passage que la rédaction du contrat de travail était sacrément sourcilleuse) :
– une clause du contrat de travail engageait l’animateur à respecter un cahier des missions et des charges ainsi qu’une charte énonçant le principe de respect des droits de la personne et refusant toute complaisance à l’égard de propos exposant une personne ou un groupe de personnes au mépris ou à la haine, notamment pour des motifs liés au sexe ;
– une autre clause de son contrat énonçait que toute atteinte à ce principe à l’antenne ou sur d’autres médias constituerait une faute grave.
Les juges du fond ont également pris en compte le fait que le salarié travaillait pour une chaîne publique de télévision.
S’agissant ensuite du contexte, rappelons que les propos du salarié ont été tenus :
– au temps de #metoo ou #balancetonporc ;
– en direct et à une heure de grande écoute ;
– dans un calendrier politique puisque le Président de la République venait de faire des annonces en matière de lutte contre les violences faites aux femmes.
De surcroît, convaincu d’être drôle et nonobstant la mise en garde de son employeur, le comique troupier avait réitéré ses propos.
Partant de ce constat des juges du fond, la Cour confirme que le licenciement, fondé sur une violation par le salarié d’une clause de son contrat de travail d’animateur, poursuivait un but légitime et était donc justifié, et ne constituait pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’expression du salarié (ce qui est évidemment l’essentiel).
La Cour de cassation précise par ailleurs le « but légitime » des restrictions apportées à la liberté d’expression du salarié en l’espèce : lutter contre les discriminations à raison du sexe et contre les violences domestiques et protéger la réputation et les droits de l’employeur.
On peut donc – éventuellement hélas – continuer à faire des blagues pourries autour d’un rôti patates du dimanche ou au bistro du coin, voire à la télévision, mais il peut arriver de devoir relire son contrat de travail avant.
Si l’on résume de manière lapidaire, la liberté d’expression a exceptionnellement des limites parce que la bêtise n’en a pas.

Sébastien Bourdon

Conduite à risques

Droit Social

Tout salarié se fait légitimement l’observation suivante lorsqu’il fait une bêtise en dehors du temps et du lieu de travail : « ce qui se passe chez moi, reste chez moi ».

Pourtant, il est de jurisprudence constante qu’un salarié peut être sanctionné pour une faute commise dans le cadre de sa vie personnelle, dès lors que les faits se rattachent à sa vie professionnelle.
Une illustration de ce principe nous a été donnée en début d’année par la Cour de cassation, s’agissant d’un accident en état d’ébriété au volant d’un véhicule de fonction (Cass. soc. 19-1-2022 n° 20-19.742 F-D, Z. c/ Sté Manchettes résines réhabilitation de réseaux).

L’impétrant exerçait les fonctions de chef d’équipe dans le secteur du bâtiment, et c’est de retour d’un salon professionnel où il s’était rendu sur instruction de l’employeur que l’accident s’est produit. Le problème était d’autant plus sérieux que le salarié avait vraisemblablement fait une dégustation un peu approfondie de crus locaux en libre-service sur les stands, ce qu’ont constaté les forces de l’ordre sur le lieu de l’accident.

Licencié pour faute grave, le salarié a saisi le juge prud’homal pour contester la légitimité de la rupture (vous noterez mon goût prononcé pour les gens qui ne manquent pas d’air – quand bien même ils auraient soufflé dans le ballon – pour mes chroniques jurisprudentielles). Selon lui, les faits, commis en dehors du temps et du lieu de travail, relevaient de sa vie personnelle et ne pouvaient pas, par conséquent, justifier un licenciement disciplinaire.

La faute grave a pourtant été retenue par la Cour de cassation, approuvant l’analyse des juges du fond. Et pour ce faire, elle a évidemment considéré que les faits reprochés se rattachaient à sa vie professionnelle (pour un autre exemple, je recommande le passage à tabac d’un subordonné en dehors des heures de bureau : Cass. soc. 6-2-2002 no 99-45.418 F-D).

En l’espèce, facteur aggravant, les faits étaient susceptibles de mettre en jeu la responsabilité de l’employeur.

Trois éléments permettent donc aux juges de relier l’accident de la circulation reproché au salarié à sa vie professionnelle : le salarié était au volant de son véhicule de fonction, il rentrait d’un salon professionnel, et il s’était rendu à ce salon sur instruction de son employeur, pour les besoins de son activité professionnelle.

Note à l’attention des employeurs : la faute ce n’est pas d’avoir perdu son permis de conduire, c’est d’avoir provoqué un accident pouvant se rattacher à la vie professionnelle, nuance sur laquelle la lettre de rupture ne devra pas faire l’impasse.

Sébastien Bourdon

 

Photographie Sébastien Bourdon

Le réseau social et la confidentialité

Droit Social

Des nombreux réseaux sociaux existants, il en est un supposé s’intéresser plus particulièrement au monde du travail : LinkedIn. Et chacun sur ces pages virtuelles de s’extasier de ses accomplissements comme de ceux des autres, avec l’habituelle faconde qui fait loi s’agissant de flatter autrui comme soi-même. Comme on y dit souvent : « c’est très inspirant ».

Le sujet a déjà été évoqué par la jurisprudence à propos notamment de Facebook, mais récemment la Cour d’appel de Paris s’est attachée à ce que l’on peut dire dans en ces espaces, sans dépasser certaines limites (CA Paris 23-2-2022 n 19/07192, Sté Safran Aircraft engines c/ H).

En l’espèce, était posée la question du secret professionnel, sous-tendue par l’obligation générale de loyauté. Un salarié, et cela ne semble pas absurde, doit s’interdire de diffuser auprès de tiers les informations dont il a connaissance dans l’exercice de ses fonctions et qui risquent de nuire à la bonne marche de l’entreprise.
Dans le cas ici tranché, ça ne rigolait pas du tout puisque l’entreprise concernée opérait dans le secteur de la défense (nationale).

Ledit salarié exerçait les fonctions de chef de projet dans le secteur recherche et développement, avait fait l’objet d’un licenciement disciplinaire après avoir diffusé sur le réseau Linkedin des images de coupes et géométries d’un moteur, ces éléments étant, selon l’entreprise, susceptibles d’être utilisés par les concurrents.

L’employeur lui reprochait d’avoir enfreint l’obligation de confidentialité figurant dans son contrat de travail et inhérente à ses fonctions de responsable « Recherche et Développement ». Il s’avère que le règlement intérieur de l’établissement imposait en particulier de garder une « discrétion absolue » sur les informations et procédés de fabrication de la société au nom notamment d’impératifs liés à la défense nationale.

Pour se justifier et contester son licenciement, le salarié faisait valoir que les informations diffusées sur LinkedIn étaient librement accessibles et en pratique inexploitables faute de paramètres ou d’échelle. Preuve en était qu’il avait trouvé lesdites images sur un poster affiché dans les locaux, ce souci de la décoration d’intérieur ne pouvait que mal se marier avec le secret professionnel !

Las, la Cour d’appel parisienne ne l’entend pas de cette oreille et rejette les arguments du salarié, lui assénant une leçon dont on ne sait si elle lui fut profitable, mais qui pourra servir à d’autres à l’avenir : il se devait de respecter les obligations contractuelles figurant à son contrat, en l’occurrence de confidentialité et de respect du secret professionnel, sous peine de perdre son emploi (ce qui lui arriva).

Les juges du fond ont caractérisé le manquement disciplinaire estimant que :
• les images publiées provenaient d’informations issues de documents internes qui n’étaient pas destinés à une publication sur un réseau social et dont le salarié avait eu connaissance dans le cadre de l’exercice de ses fonctions ;
• il les avait utilisées sans vérifier, au regard des règles de confidentialité qui lui était applicables, s’il lui était possible de les publier.

Le fait que ces images aient été affichées dans le couloir qui mène à la cantoche ne changeait rien à l’affaire, la Cour d’appel estimant que peu importait « le degré de classification de ces documents ».

Dans un registre similaire, mais plus glamour, un salarié avait fait l’objet d’un licenciement disciplinaire après avoir publié la photographie du défilé de la nouvelle collection sur son compte privé Facebook comptant plus de 200 « amis » professionnels alors qu’il était soumis contractuellement à une clause de confidentialité (Cass. soc. 30-9-2020 no 19-12.058 FS-PBRI).

Sébastien Bourdon

 

Photographie Sébastien Bourdon

Des mérites de la formalisation appliquée au télétravail.

Droit Social

S’il est un sujet tendance dans le monde du travail en ces années de fin du monde plus ou moins programmée, c’est bien le télétravail, technique moderne qui permet de travailler pas si mal en fait et de boire un meilleur café chez soi sans être obligé de converser avec ses collègues.

« Mais une fois que ce truc a commencé, comment est-ce qu’on l’arrête ? » s’interroge parfois l’employeur finissant par se sentir un peu seul dans l’open-space ?

Pour mémoire, le télétravail peut être mis en place dans le cadre d’un accord collectif ou, à défaut, d’une charte élaborée par l’employeur après avis du comité social et économique, s’il existe. En l’absence d’accord collectif ou de charte, le salarié et l’employeur peuvent convenir de recourir au télétravail en formalisant leur accord par tout moyen (C. trav. art. L 1222-9).

Autant dire que c’est relativement souple à mettre en place, ce qui a arrangé tout le monde quand la pandémie nous est tombée dessus.

En l’espèce, l’absence de formalisation comme de formalisme a posé problème lorsqu’il s’est agi d’y mettre fin.

En effet, l’employeur imaginant qu’il avait autorité pour le faire, a un jour exigé de son subordonné qu’il revienne travailler in situ à raison de deux jours par semaine, au lieu de promenades épisodiques dans les locaux de l’entreprise.

Il faut ici préciser que cette organisation du travail datait de 2009 et que cette soudaine exigence a été formalisée en juin 2017, par courrier. Cette nouvelle tétanise l’impétrant qui se place illico subito en arrêt maladie et, estimant que ce changement ne peut pas se faire sans son accord, il saisit quelques mois après la juridiction prud’homale d’une demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur, avant d’être licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement en 2019.

Il est d’abord débouté de sa demande par le conseil de prud’hommes. Ne s’en laissant pas compter aussi facilement, il interjette appel, faisant valoir les sujétions qui pèsent sur lui du fait du changement imposé : qu’alors qu’il se rend habituellement deux fois par an seulement au siège de l’entreprise depuis 2009 et qu’il ne réside pas dans le même département que celui-ci, y passer deux jours par semaine, et notamment le lundi, l’oblige à voyager le dimanche. En outre, si aucun accord sur la mise en place du télétravail n’a été formalisé entre les parties, il s’agit d’un accord verbal, comme le permet l’article L 1222-9 du Code du travail, et son employeur ne peut pas décider d’une telle modification sans son accord.

Pour sa part, la société fait valoir un raisonnement lapidaire : aucun télétravail n’a été mis en place par l’employeur, de sorte que la réglementation afférente ne trouve pas à s’appliquer. La présence régulière du salarié dans l’entreprise est nécessaire, comme pour l’ensemble de l’équipe commerciale, et le salarié ne pouvait donc s’y dérober.
Bien essayé, mais ça ne passe pas et la Cour d’appel d’Orléans infirme le jugement et fait droit à la demande du salarié en résiliation judiciaire de son contrat de travail. Tout d’abord, elle constate que le contrat de travail signé entre les parties ne prévoit aucun lieu précis d’exécution du contrat de travail, mais que le salarié est chargé de représenter la société notamment en France et en Europe.

Par ailleurs, depuis 2009, comme évoqué, le salarié ne se rendait que très rarement au siège de l’entreprise, effectuant ses démarches commerciales chez les clients et communiquant avec son employeur à distance, sans qu’aucune explication ne semble lui avoir été demandée sur ce point. L’employeur avait par conséquent tacitement accepté pendant plusieurs années ce mode d’organisation du travail laissant entière liberté de lieu de vie et d’organisation au salarié.

Dès lors, en changeant les règles du jour au lendemain, la société a modifié un élément essentiel du contrat de travail : changer le lieu d’exécution de la prestation de travail était de nature à bouleverser non seulement l’organisation professionnelle du salarié, mais également ses conditions de vie personnelle. Le salarié était donc en droit d’opposer un refus et ce d’autant que cette décision unilatérale aurait participé à la détérioration de son état psychique.

L’employeur ayant préféré le licenciement à un retour au statu quo ante, cela justifie pour la cour d’appel la résiliation judiciaire du contrat de travail qui produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Où l’on voit l’utilité de la rédaction d’une charte ou d’un accord préalable écrit permettant de fixer les conditions d’un retour au travail sur le site de l’entreprise, sinon, ça peut durer une éternité (« et l’éternité c’est long, surtout vers la fin » Woody Allen).

Sébastien Bourdon

 

Photographie Sébastien Bourdon

Défense de trop écrire

Droit Social

Quel avocat ne s’est entendu dire, à peine son tour venu et sur le point de commencer sa plaidoirie, « Maître, je vous en prie, soyez bref » (un avocat célèbre aurait un jour répondu : « Monsieur le Président, si ce métier ne vous plaît pas, vous n’avez qu’à en choisir un autre »).

Ce qui nous est maintenant demandé instamment à l’oral serait en passe de l’être également à l’écrit. En effet, dans une note du 27 août 2021, la Direction des Affaires Civiles et du Sceau (DACS) propose là d’encadrer davantage les écritures des avocats, notamment en imposant un résumé de taille limitée.

Pour les béotiens, précisons tout de suite ce qu’est la DACS, organisme ancestral puisque créé au début du 19ème siècle : elle a notamment pour mission d’élaborer ou concourir à la rédaction des lois et réglementations en matière civile et commerciale (un « comité Théodule » comme aurait dit le Général ?).

Et voilà que cette Direction, dans la notoire torpeur estivale du mois d’août, a pondu une note modestement intitulée « Structuration des écritures des avocats et dossier unique de pièces : propositions ». Or, ce qu’elle propose revient à enfermer plus encore la profession d’avocat et la défense de manière générale dans un cadre réglementaire dont on nous permettra de dire qu’il est insupportable. On ne cesse de vouloir réduire notre temps de parole, voilà qu’on veut raccourcir notre propos (rappelons qu’il ne s’agit pas là de défendre une profession mais de rappeler que justement, il s’agit de défendre le citoyen).

En effet, il est préconisé de modifier les articles 768 et 954 du Code de procédure civile, pour prévoir en première instance comme en appel :

  • « une nouvelle synthèse des moyens obligatoire en fin de discussion,
  • la limitation de la taille de celle-ci à 1000 mots,
  • L’obligation de récapituler les moyens dans l’ordre des prétentions et sous la forme d’une liste numérotée, comprenant mention des pièces afférentes,
  • la création d’un dossier unique de pièces inspiré de la pratique administrative ».

Et de préciser que le tribunal ne sera « valablement saisi que des moyens développés dans la discussion et récapitulés dans la synthèse ».

Evidemment, et selon une technique de communication devenue la norme en matière d’annonces gouvernementales, on nous précise que ce ne serait là que piste de réflexion (bien glissante la piste quand même).

Ces précautions langagières n’ont pas suffi à éviter la prévisible explosion de colère des avocats devant ce qui ne peut être vu que comme une atteinte à l’indépendance de l’avocat et une tentative de bafouer les droits de la défense même.

La Conférence des bâtonniers a évidemment immédiatement condamné une telle idée de réforme – « Les conclusions en 1 000 mots, c’est 1 000 fois non » – y voyant une « limitation inacceptable des droits des parties ».

Quant à limiter le nombre de mots, au-delà du « Fahrenheit 451 » annoncé de nos écritures, comment ne pas penser aux risques d’omission, de responsabilité professionnelle etc. ? « Ah oui, Monsieur Lupin, j’ai pas mis l’article machin, mais j’avais atteint le maximum de mots et il n’y avait plus de place dans le formulaire… »

On ne peut que s’étonner de cet enthousiasme étatique à fragiliser l’existant plutôt que d’annoncer de réelles et nécessaires réformes au fonctionnement d’une justice souvent appauvrie et sinistrée. Il en est ainsi de la complexité grandissante des procédures, véritable repoussoir au justiciable qui préférera jeter l’éponge que de se défendre dans un tel labyrinthe procédural.

Si l’on résume, moins à écouter, moins à lire, voilà qui annonce peut-être une réduction du nombre de magistrats à qui l’on expliquera bientôt qu’ils sont trop nombreux au regard de la réduction exponentielle de leurs tâches. La réduction de personnel est d’autant plus annoncée que l’on parle maintenant d’algorithmes à même de décortiquer les décisions précédemment rendues pour permettre aux magistrats de rendre les leurs (DataJust).

Sébastien Bourdon

Des limites au principe de l’égalité de traitement

Droit Social

Tel un enfant inquiet de l’affection qu’on lui porte, le salarié regarderait-il toujours dans l’assiette du voisin pour être certain de ne pas être lésé ? Il est vrai qu’en droit du travail, le principe établi d’égalité de traitement pousse naturellement à s’assurer régulièrement de l’absence d’injustice à son endroit.

Surtout lorsque l’on sait que par principe, l’herbe est toujours plus verte dans le pré du voisin…

Dans un récent arrêt de cassation (Cass. soc. 12-5-2021 n° 20-10.796 F-P, La Halle SASU c / X), des salariées avaient poussé le bouchon un peu plus loin en sollicitant de pouvoir bénéficier d’un avantage pécuniaire issu d’une transaction signée par plusieurs de leurs collègues.

La réclamation n’était pas aussi absurde que cela puisque le cadre de signature de ces transactions individuelles s’inscrivait dans un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) prévoyant notamment, le bénéfice d’une indemnité supra-conventionnelle s’adressant à certaines catégories de salariés dont le poste supprimé avait amené leur reclassement sur un poste ensuite… lui-même supprimé.

La société avait ensuite conclu des transactions avec plusieurs salariés qui revendiquaient le paiement de ladite indemnité prévue au PSE. Ces salariés avaient ainsi perçu une indemnité transactionnelle au mois d’octobre 2016.

S’estimant lésées dans un monde injuste, plusieurs salariées ont alors sollicité de l’employeur le paiement de l’indemnité prévue au chapitre 8 ou le versement d’un montant équivalent sous forme de dommages-intérêts, en invoquant le principe d’égalité de traitement entre les salariés.

Pour déterminer la recevabilité d’une telle démarche, il convient comme souvent de revenir aux fondamentaux et à la nature des sommes versées.

Rappelons tout d’abord qu’aux termes de l’article 2044 du Code civil, la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître. Même lorsqu’elle intervient dans les relations de travail, la transaction est régie par le seul Code civil, nulle disposition du Code du travail ne l’évoquant.

Cela amène parfois à cette confrontation textuelle et pratique entre le droit des obligations et ses principes, parmi lesquels figure la liberté contractuelle, avec les spécificités du droit du travail, protectrices des salariés, et comme en l’espèce, l’égalité de traitement entre les salariés.

Cette tentative a fonctionné devant la Cour d’appel puisque les salariées ont obtenu la condamnation de la société à leur verser une somme au titre du préjudice né de la violation du principe d’égalité de traitement entre les salariés, ainsi qu’une somme au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail.

La Cour d’appel avait suivi ainsi un raisonnement collé aux dispositions du Code du travail, considérant que l’employeur aurait dû leur proposer un protocole transactionnel comme il l’avait fait pour d’autres salariées, leur situation était équivalente en termes d’ancienneté, de poste, de modification du contrat de travail pour raison économique et qu’elles avaient, comme eux, sollicité le bénéfice de l’indemnité supra-conventionnelle prévue par le PSE.

La Cour de cassation revient elle à la base, c’est-à-dire au Code civil : la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née ou à naître. Un salarié ne peut invoquer le principe d’égalité de traitement pour revendiquer les droits et avantages issus d’une transaction conclue par l’employeur avec d’autres que lui.

La liberté contractuelle et l’autorité de la chose jugée entre les parties, attachées à la transaction en tant que contrat, s’opposent à ce que les stipulations qui y sont prévues et par lesquelles les parties s’accordent pour éteindre ou prévenir leur différend entrent dans le champ d’application du principe d’égalité de traitement entre les salariés. La transaction suppose, par ailleurs intrinsèquement des concessions réciproques qui peuvent engendrer une différence de traitement par rapport à d’autres salariés qui y sont étrangers.

La tentation est souvent grande chez les salariés d’invoquer les sommes transactionnelles perçues par d’autres pour justifier leurs propres réclamations indemnitaires. Las, c’est oublier que chaque cas a ses spécificités et que de surcroît le principe d’égalité de traitement n’y trouve pas sa place.

Si on résume, la pensée de Cour de cassation : comparaison n’est pas – forcément – raison.

Sébastien Bourdon

Seul sans excuses

Droit Social

Tout le monde se souvient naturellement de ce fringant trader, Jérôme K., qui, il y a quelques années, avait quelque peu défrayé la chronique. Pour mémoire, on l’accusait d’avoir pris des « positions directionnelles sur différents indices boursiers » (on fait du droit social ici, pas du boursicotage, on est donc en bien en peine de vous expliquer précisément de quoi il retourne) pour un montant considérable (de l’ordre de 50 milliards d’euros), sans commune mesure avec la limite de risque de son activité.

Plus souciant encore, il avait sciemment dissimulé ses agissements, notamment par de nombreuses opérations fictives et par la falsification de documents censés justifier ces opérations, occasionnant au passage un préjudice de 4,9 milliards d’euros à la banque (une paille).

L’ancien trader a notamment été ensuite reconnu pénalement coupable d’introduction frauduleuse de données dans un système de traitement automatisé, de faux et usage de faux et d’abus de confiance (CA Versailles 23-9-2016 no 14/01570).

Mais si cette ténébreuse affaire de haute voltige financière atterrit sur ces pages, c’est que le trader désavoué et licencié avec pertes et fracas (c’est le cas de le dire) avait saisi le Conseil de prud’hommes de la contestation de la rupture de son contrat de travail.

Cela peut surprendre dans le contexte, mais l’audacieux jeune homme a d’abord obtenu gain de cause en première instance, pour être ensuite débouté en appel.
Son principal argument de contestation de la rupture était une circonstance qualifiée d’atténuante : les graves carences du système de contrôle de la banque auraient rendu possible le développement de sa fraude et ses conséquences financières.

Ce sont d’ailleurs ces mêmes circonstances qui avaient conduit le juge pénal à reconnaître un partage de responsabilités entre la banque et le trader et à conséquemment réduire drastiquement le montant de sa condamnation pécuniaire, nonobstant le préjudice financier subi par la banque. Ceci dit, les 4,9 milliards d’Euros, cela faisait quand même beaucoup pour un seul homme.

Le juge pénal avait notamment relevé les multiples carences et manquements de la banque en matière de sécurité et de surveillance, et considéré que ces dernières avaient eu un rôle majeur et déterminant dans la conception et la réalisation des infractions commises par le trader. Plus éclairant encore s’agissant maintenant d’aborder l’aspect social de la question, le juge relève que ces multiples manquements témoignaient non pas de négligences ponctuelles mais de choix managériaux privilégiant la prise de risque au profit de la rentabilité (CA Versailles 23-9-2016 no 14/01570).

C’est en partant de ce postulat pénalement constaté et judiciairement définitif que le salarié avait intenté son action devant la juridiction prud’homale, jusqu’à la Cour de cassation.

Rappelons en effet que l’attitude de l’employeur ou du supérieur hiérarchique peut parfois constituer une circonstance atténuante de nature à écarter la faute grave, voire la cause réelle et sérieuse du licenciement.

Toutefois, l’absence de grillage ne peut à elle seule justifier le vol des fruits et même si l’employeur a éventuellement une part de responsabilité dans la survenance des faits fautifs, les juges du fond peuvent ne pas en tenir compte dans leur appréciation lorsque la faute commise est d’une particulière gravité.

C’est ainsi que la Cour d’appel de Paris a considéré que de telles circonstances ne font pas perdre aux fautes commises par le trader leur degré de gravité. Grande et généreuse, elle a toutefois écarté la faute lourde qu’avait retenu l’établissement bancaire : en effet, le salarié n’avait jamais entendu nuire à la banque, mais plus probablement s’en mettre plein les poches. C’est donc la faute grave qui est retenue.

La Cour relève notamment que le jeune loup (de Paris) ne pouvait ignorer ce qu’il faisait au regard de son niveau de responsabilité et de compétence. Rappelons qu’il avait pris des positions directionnelles de l’ordre de 50 milliards d’euros alors que les fonds propres de la banque s’élevaient à… 31,275 milliards d’euros.

L’ex-trader se pourvoit en cassation contre l’arrêt d’appel, arguant des carences dans la sécurité et des manquements de la banque.

Confirmant la position de la cour d’appel, la Cour de cassation rejette son pourvoi. Après avoir rappelé la définition de la faute grave, elle approuve la cour d’appel d’avoir retenu que les carences graves du système de contrôle interne de la banque, qui avaient certes rendu possible le développement de la fraude, ne faisaient pas perdre à la faute du salarié son degré de gravité (Cass. soc. 17-3-2021 n° 19-12.586 FS-D, K. c/ Sté générale).

Force est de constater le raisonnement existentialiste de la juridiction : la Cour de cassation a considéré que le jeune homme était unique maître de ses actes, de son destin et des valeurs qu’il décidait d’adopter.

Sébastien Bourdon

Illustration « Le Loup de Wall-Street » (Martin Scorcese)

Le barème ne fait pas forcément loi

Droit Social

Le retour du fils de la revanche : alors qu’un calme apparent régnait, voilà que la Cour d’appel de Paris en remet une couche et écarte dans une décision récente l’applicabilité du barème prud’homal dit « Macron » (CA Paris 16-03-2021 n° 19/08721, X. c/ Mutuelle Pleyel Centre de santé mutualiste).

Comme dans les espèces précédentes, aux solutions panachées selon les Cours saisies, était sur la sellette la conformité de ce barème aux textes internationaux, et plus particulièrement à la convention 158 de l’OIT qui exige une indemnisation appropriée du salarié dont le licenciement est injustifié.

Ce n’est pas la première Cour à passer outre – et probablement pas la dernière : suivant une logique qui sous-tend tous les argumentaires des opposants à cette tarification du préjudice, la Cour d’appel de Paris écarte à son tour l’application du barème d’indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse lorsqu’il ne permet pas d’assurer une réparation adéquate du préjudice subi par le salarié.

Belle et rebelle, la Cour d’appel parisienne se moque donc comme d’une guigne des deux avis rendus en juillet 2019 en formation plénière de la Cour de cassation qui, après le Conseil d’État, avait conclu à la compatibilité du barème prévu à l’article L 1235-3 du Code du travail avec l’article 10 de la convention 158 de l’OIT.

Le gaulois est réfractaire dit-on, et cela n’avait déjà pas empêché certaines cours d’appel d’écarter son application au cas par cas en fonction des circonstances de l’espèce en exerçant leur contrôle « in concreto », lorsque son application ne permet pas d’assurer une réparation adéquate aux salariés injustement licenciés (CA Reims 25-9-2019 no 19/00003 ; CA Grenoble 2-6-2020 no 17/04929).

La Cour d’appel de Paris, qui s’était d’abord sagement alignée sur les avis de la Cour de cassation, tourne casaque et accorde à une salariée dont le licenciement économique a été déclaré sans cause réelle et sérieuse une indemnité à ce titre d’un montant supérieur au plafond prévu par le barème.

Evidemment, ce qui intéresse ici, au-delà de cette position dissidente de Cour, c’est ce qu’a bien pu subir la salariée concernée du fait de cette perte d’emploi, justifiant une réparation supérieure au quantum fixé légalement.

La réponse apportée est sans surprise et pourrait même constituer l’exemple type, l’illustration archétypale de l’imperfection originelle du texte établissant le barème.

La salariée licenciée comptant moins de 4 ans d’ancienneté, pouvait prétendre, aux termes de l’article L 1235-3 précité, à une indemnité d’un montant compris entre 3 et 4 mois de salaire brut, soit en l’espèce à un maximum de 17 615 €.

Et c’est exactement là que les juges ont fait leur boulot en appréciant in concreto le sort de la salariée : elle était âgée de 53 ans à la date de la rupture, soit un âge où il est difficile de se recaser (je parle d’employabilité) et plus encore au regard de sa formation et de son expérience professionnelle (maigre donc).

Partant de cette appréciation formée au regard des pièces versées, la Cour s’assied sur le barème et alloue 32 000 Euros à la salariée, soit un peu plus de 7 mois de salaire.

Il est plus que probable que cette décision ne soit pas isolée dans les temps qui viennent, et que l’employeur ne puisse faire l’économie (si j’ose dire) de se mettre à la place du juge en appréciant un risque finalement réel et pas seulement évalué en fonction d’un barème potentiellement toujours contestable. Et ce sera justice ? A chacun d’analyser cette possible évolution jurisprudentielle selon ses convictions…

Sébastien Bourdon