Chose promise, chose due

Droit Social

Il est assez fréquent, et pas seulement chez les commerciaux, que l’employeur s’engage, le plus souvent à l’embauche, à fixer des objectifs personnels à un salarié, ces derniers, une fois atteints étant rémunérés en conséquence, selon des calculs plus ou moins subtils et compliqués.

L’évidence de l’intérêt réciproque des parties dans un tel schéma est criante, il n’y a donc en principe pas de raison de se priver.

Il convient toutefois de prendre garde à ne pas s’engager à la légère, la Cour de cassation l’ayant ainsi récemment rappelé.

En effet, par un arrêt du 19 novembre 2014 (Cass. soc. 19-11-2014 n° 13-22.686 n° 2062 F-D ), Sté Eni Gas et Power France c/ F.), la Cour de cassation a considéré que l’inexécution par l’employeur de son obligation de fixer en accord avec le salarié les objectifs dont dépend la part variable de la rémunération peut constituer un manquement empêchant la poursuite du contrat de travail, justifiant sa résiliation aux torts de l’employeur.

Cet arrêt vient compléter le corpus prétorien déjà conséquent afférent à ce qui justifie ou pas la résiliation judiciaire (ou la prise d’acte de la rupture) aux torts et griefs de l’employeur.

En l’espèce, un employeur s’était expressément engagé, dans le contrat de travail, à mener chaque année des négociations avec son salarié en vue de fixer d’un commun accord les objectifs dont dépendrait la partie variable de sa rémunération.

Le fait d’avoir failli à cet engagement contractuel rend tout d’abord l’employeur débiteur de cette partie variable pour les années où il n’établit pas avoir satisfait à cette obligation. En l’absence d’accord sur le montant, il appartient au juge saisi de le fixer.

Ensuite, comme le précise la Cour, l’inexécution par l’employeur de son obligation de fixer d’un commun accord avec le salarié les objectifs dont dépend la partie variable de la rémunération, est susceptible de constituer, en raison de l’importance des sommes en jeu, un manquement empêchant la poursuite du contrat de travail et justifiant sa résiliation aux torts de l’employeur.

La Cour de cassation rappelle également que lorsque le contrat de travail d’un salarié prévoit une rémunération comportant une partie variable dont les modalités de calcul sont fixées par les parties chaque année, le mode de calcul de la partie variable de la rémunération, objet de l’accord des parties, ne doit pas être confondu avec le droit du salarié à cette partie variable, acquis en vertu du contrat de travail (Cass. soc. 22 -5- 1995 n° 91-41.584).

La nature du contrôle exercé par la Cour de cassation sur la cause de la prise d’acte ou de la résiliation judiciaire du contrat de travail est précisé : le manquement justifiant la prise d’acte ou, comme ici, la résiliation du contrat de travail aux torts de l’employeur, doit être de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, ce qu’il appartient aux juges du fond de faire ressortir (Cass. soc. 26 -3- 2014 n° 12-23.634, 12.35.040, 12-21.372 ; Cass. soc. 12 -6- 2014 nos 12-29.063 et 13-11.448).

Cette position tranche quelque peu puisqu’auparavant la seule constatation du défaut de fixation des objectifs dont dépendait la rémunération variable du salarié constituait une cause automatique d’imputabilité de la rupture (Cass. soc. 29 -6- 2011 n° 09 65.710).

La Haute Juridiction n’entend ainsi pas s’encombrer d’un contrôle par trop scrupuleux, laissant aux juges du fond une grande latitude dans l’appréciation des faits soumis et leurs conséquences sur la relation contractuelle (cela ressort notamment des tournures employées dans l’arrêt : la Cour d’appel « ayant ensuite souligné l’importance des sommes en litige »).