L’avocat Enquêteur et son Rôle – Réflexions

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L’autre jour, dans une chambre de Cour d’appel qui n’était pas sociale, la Présidente s’est exclamée : « Une enquête ?! Les avocats font des enquêtes maintenant ?! » Pince-sans-rire, elle ajouta : « ce n’est pas plutôt le rôle de la Police ? »

Après coup, ce propos appelle quelques réflexions.

Il est effectivement loisible de saisir un avocat pour mener au sein d’une entreprise une enquête impartiale et indépendante.

Pour mémoire, dans son guide sur les enquêtes internes, le CNB (Conseil National des Barreaux) apporte les précisions suivantes : « L’enquête interne est le processus lancé par l’entreprise afin de lui permettre, lorsqu’elle est confrontée à des soupçons d’agissements pouvant constituer une violation de ses règles internes ou de la règlementation, de la législation lui étant applicable, de déterminer si ces soupçons sont fondés ou non. Son objet est d’établir les circonstances d’une situation factuelle afin de permettre à l’entreprise de prendre, le cas échéant, les mesures appropriées (résiliations de contrats, sanctions disciplinaires, changement de dirigeants, renforcement des contrôles et de sa politique de conformité…) et de gérer les conséquences qui peuvent s’en suivre ».

C’est ainsi que, par exemple, sur dénonciation de faits de harcèlement moral ou sexuel, un avocat indépendant (ici au sens où il n’est le conseil de personne) est missionné pour mener une investigation dans une entreprise, laquelle débouchera le plus souvent sur un rapport d’enquête fournissant une évaluation objective de la situation dénoncée.

Et ce rôle peut surprendre, on fait généralement appel à un avocat pour être défendu. Or, ici l’avocat va être rémunéré par des gens dont il n’est pas le conseil, pas plus qu’il ne l’est des salariés concernés ou de toute autre partie, pour attester – ou pas – de l’existence de manquements, afin que des mesures soient prises ensuite dans le strict respect des règles applicables.

Il est vrai que cette tâche, à base d’auditions et d’analyse de pièces, peut se rapprocher d’un travail de police, mais rassurons les lecteurs, en aucun cas l’avocat ne procédera à une arrestation !

Libre ensuite à celui qui l’avait missionné de déterminer, avec ses propres conseils le cas échéant, des suites à donner, sur la base d’un travail à la fois professionnel et indépendant, et donc utile.

Sébastien Bourdon

Bring me the disco king

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Avis aux salariés noctambules et fêtards, la Cour de cassation vient de rendre une décision qui devrait réjouir ces oiseaux de nuit : l’accident survenu dans une discothèque à l'étranger peut être un accident du travail (Cass. 2e civ. 12-10-2017 no 16-22.481 F-PB).

Selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, un salarié accomplissant une mission a par essence droit à la protection contre les accidents du travail pendant tout le temps de la mission qu’il accomplit pour son employeur, peu important que l’accident survienne à l’occasion d’un acte professionnel ou d’un acte de la vie courante (Cass. soc. 19-7-2001 n° 99-21.536 FS-PBRI et n° 99-20.603 FS-PBRI ).

L’employeur ou l’organisme social peuvent toutefois renverser la présomption en rapportant la preuve que le salarié s’était, lors de l’accident, interrompu dans l’exécution de sa mission pour un motif personnel (« Aimer, Boire et Chanter » Johann Strauss).

Dans l’affaire du 12 octobre 2017, le salarié, alors en mission en Chine, s’était blessé à la main à trois heures du matin après avoir glissé en dansant dans une discothèque (trop d’alcool, soirée « mousse »,… l’arrêt ne le précise pas). La cour d’appel avait d’abord jugé que la seule présence dans une discothèque ne pouvait suffire à démontrer qu’il n’existerait aucun lien entre celle-ci et l’activité professionnelle du salarié. Cela doit être particulièrement vrai pour les employés de boîte de nuit, mais tel n’était pas le cas en l’espèce.

La Cour d’appel avait également estimé qu’aucun des éléments versés aux débats ne permettait d’exclure que le salarié se serait rendu en discothèque pour les besoins de sa mission. Il pouvait en effet tout aussi bien être là pour accompagner des clients ou collègues. Elle avait donc jugé que l’accident devait être pris en charge au titre de la législation des accidents du travail. Sa décision est approuvée par la Cour de cassation.

L’accident ayant eu lieu à trois heures du matin, on ne pourra également que constater que ce garçon ne comptait pas ses heures… L’histoire ne dit pas si cette présence tardive a été rémunérée.