En-deçà de cette limite, l’illicite est acceptable

Droit Social

L’idée que l’illicite est parfois autorisé, comme l’affirme la Cour de cassation ces temps derniers, nécessite évidemment encore quelques développements. Dans une décision récente, la Cour s’y est donc à nouveau collée (Cass. soc. 14-2-2024 n° 22-23.073 F-B, B. c/ Sté Pharmacie mahoraise).
 

Les faits de l’espèce se sont déroulés dans une pharmacie équipée de caméras de vidéosurveillance destinées à la protection et la sécurité des biens et des personnes dans les locaux, mais dont la consultation avait permis de relever diverses malversations commises par une employée peu regardante (saisie d’une quantité de produits inférieure à ceux réellement vendus, vente de produits à des prix inférieurs au prix de vente, absence d’enregistrement de vente de produits délivrés au client) et ayant motivé son licenciement pour faute grave.

La cour le rappelle à cette occasion : l’illicéité dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats. Au juge de décider si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble. Il arrive que l’on verse aux débats des éléments portant atteinte à d’autres droits que celui de la preuve, à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

La présence de cette caméra et le contrôle ainsi effectué sur ceux qui passaient devant étaient ils légitimes ? Ne pouvait on imaginer moyen moins attentatoire à la vie personnelle du salarié ?

En réalité, et la Cour le constate, la caméra avait été installée pour que l’on puisse comprendre comment se produisaient les divers chapardages déjà constatés par l’inventaire des stocks.

Contrôle opéré sur seulement quinze jours par la seule dirigeante, il avait suffi à comprendre le mystère de la pharmacie et repérer la coupable.

C’est ainsi le caractère limité dans le temps et dans les formes de ce contrôle qui en a atténué l’illicéité aux yeux de la Cour : la salariée avait certes le droit au respect de sa vie privée, mais l’employeur n’était pas moins légitime à veiller à la protection de ses biens.

En conséquence, la production de données personnelles issues du système de vidéosurveillance était indispensable à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur et proportionnée au but poursuivi, de sorte que les pièces litigieuses étaient recevables.

Il est possible de pousser un peu le bouchon, mais attention, pas trop loin tout de même !

Sébastien Bourdon

Fixation des objectifs : attention à la date !

Droit Social

Dans la vie, il est recommandé de se tenir à ses engagements et plus encore lorsqu’on les formalise contractuellement.

En droit du travail, la question de la fixation d’objectifs prévue par le contrat de travail a ainsi donné lieu à une abondante jurisprudence et récemment encore, dans un arrêt du 31 janvier 2024, la chambre sociale de la Cour de cassation a rappelé que l’employeur peut modifier des objectifs qu’il a fixés unilatéralement, mais à condition d’en informer le salarié en début d’exercice. A défaut, la sanction est implacable : la part variable lui est intégralement due.

Outil de motivation des troupes, les objectifs d’un salarié conditionnant la partie variable de sa rémunération, peuvent être définis par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction (Cass. soc. 22-5-2001 no 99-41.838 F-P).

A l’impossible nul n’étant tenu, les objectifs doivent être réalistes et réalisables (Cass. soc. 13-1-2009 no 06-46.208 FS-PB) et évidemment portés à la connaissance du salarié en début d’exercice (Cass. soc. 2-3-2011 no 08-44.977 FP-PB), sauf si des circonstances particulières rendent impossible leur fixation à cette date, chose sur laquelle le juge exerce son contrôle (Cass. soc. 21-9-2017 no 16-20.426 FS-PB).

La récente décision dont il est ici objet vient illustrer une nouvelle fois ces principes.

En l’espèce, un salarié, arguant de ce qu’aucun objectif ne lui avait été fixé à son arrivée dans l’entreprise, réclamait le paiement de l’intégralité de sa part variable (au regard de la jurisprudence, ça se tentait). Pour le débouter de sa demande, la cour d’appel avait relevé qu’il avait été informé des objectifs à atteindre en cours d’exercice, partant du principe que cette fixation tardive palliait à la carence d’origine.

Très logiquement, la Cour de cassation censure et rappelle que lorsque les objectifs sont définis unilatéralement par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, ceux-ci doivent être réalisables et portés à la connaissance du salarié en début d’exercice. À défaut, c’est la sentence maximale qui tombe : la part variable doit être payée intégralement au salarié, comme s’il avait atteint les objectifs fixés.

Le contrat est dur, mais c’est le contrat !

Sébastien Bourdon