Quelque chose de pourri au royaume de la Prud’homie ?

Droit Social

Pour peu qu’on ait un peu de bouteille dans la profession, impossible de ne pas réaliser la réduction de la part du contentieux dans la pratique quotidienne.

Il est vrai que, à défaut de lettre des moyens dans la justice prud’homale, le législateur a fait ce qu’il fallait pour réduire le recours à cette dernière : entre l’invention de la rupture conventionnelle, la complexification de la saisine et la mise en place du fameux barème de condamnation.

On pourrait alors imaginer que ces différentes réformes auraient abouti à une fluidité et une accélération des procédures, le nombre de ces dernières ayant été mécaniquement réduit.

Il s’avère que ce n’est nullement le cas, et la Cour des Comptes s’en est récemment émue dans un rapport du 22 juin, appelant même à « un plan de redressement » de la juridiction paritaire.

Car de logique mathématique, elle n’a point trouvé : alors que le nombre d’affaires a été réduit par deux, la durée de traitement des dossiers ne cesse d’augmenter…

Ainsi, la durée de traitement des affaires était « en 2021, en moyenne de 16,3 mois, en augmentation régulière (9,9 mois en 2009), alors que leur nombre a été divisé par plus de deux durant la même période », selon le rapport de la Cour.

Si l’on y ajoute un taux d’appel particulièrement élevé – 60 % – bien plus élevé que dans les autres contentieux civils, à tout le moins on s’interroge, voire on s’inquiète car, l’importance de ce taux, combinée à une durée des affaires en appel importante (vingt-cinq mois), contribue à augmenter leur durée totale.

Evidemment, ce phénomène n’est pas inconnu de nos cabinets, et ne sert en réalité personne, employeurs comme salariés. Faire durer les choses, à quoi bon ?

Puisque ces difficultés ont été cette fois pointées par autrui, on peut les évoquer ici sereinement, tout prud’homaliste pratiquant que l’on soit : « dispersion de la carte (des CPH), nombre élevé de conseillers dont l’absentéisme est parfois significatif (quel avocat n’a pas vu son affaire renvoyée au dernier moment, découvrant à l’appel des causes qu’un conseiller prud’homme est absent ?), insuffisance de leur indemnisation, insuffisance du soutien apporté par les greffes… ».

La Cour des Comptes, toujours elle, appelle donc à un « pilotage effectif » (formule fourre-tout, que l’on croirait extraite d’un paperboard oublié dans une salle de réunion à La Défense), « tant au niveau local qu’au niveau national ». Il n’est effectivement pas faux de constater que la prud’homie française est une sorte d’Etat fédéral avec des compétences et exigences géographiques dans lesquelles il est difficile de ne pas se paumer : audience de mise en état (ou pas), lubies locales (présence des parties obligatoire quoique nullement prévue par le Code du travail, remise de conclusions sous format papier, délibérés disponibles, ou pas, et sous toutes les formes – téléphone, mails etc.).

Il parait que cette habitude de fonctionner tout seul dans son coin ne permettrait pas, je cite « une diffusion des bonnes pratiques ». Sans blague ?!

Cherry on the cake, la formation continue des conseillers prud’homaux serait « inexistante ». Prudemment, l’avocat plaidant habituellement devant la juridiction prud’homale laisse à la Cour des Comptes la responsabilité de son propos…

Sébastien Bourdon

L’accès au droit à l’eau (chaude)

Droit Social

Le travailleur, à l’instar de tout être humain, est supposé se laver les mains, au moins avant de passer à table.

Pour ce faire, l’employeur doit lui donner accès à un point d’eau, courante de préférence, et même précise le Code du travail, « à température réglable » (article R 4228-7, al. 2).

A défaut de toujours inventer l’eau tiède, le législateur ne néglige donc pas les détails puisqu’il n’est pas prévu de se désinfecter les paluches à l’eau glaciale.

Las, il arrive que la chaudière tombe en panne et dans ce cas que faire (car oui, on s’est vraiment posé cette question).

Et bien il a été admis par un décret du 24 avril 2023 – carrément – que l’employeur peut désormais, et jusqu’au 30 juin 2024 (mais pas plus tard), mettre à disposition des travailleurs de l’eau dont la température n’est pas réglable, et donc de supprimer l’eau chaude des lavabos (l’avis du CSE est toutefois requis, et il faut avoir préalablement vérifié l’absence de risque pour les travailleurs via le document prévu à cet effet).

Rassurez-vous toutefois, cette mesure privative n’est pas applicable aux lavabos mis à disposition des personnes hébergées, à l’eau distribuée dans le local d’allaitement, dans le local de restauration et dans les douches, incluant celles affectées à l’hébergement des travailleurs (ouf).

Le motif relèverait de la « sobriété énergétique », problème dont on sait qu’il sera réglé après le 30 juin de l’année 2024, ce qui explique cette date limite…

Sébastien Bourdon

Water, water everywhere and all the boards did shrink

Water, water everywhere nor any drop to drink

Iron Maiden “Rime of the Ancient Mariner

Illustration : Franquin