Le mieux est l’ennemi du bien, et force est de constater que la jurisprudence sociale illustre parfois l’adage.
Soucieux de ménager les susceptibilités d’un collaborateur, un employeur décroche son téléphone pour l’avertir de son licenciement, et ce avant l’issue de la procédure.
Bien mal lui en a pris, puisque comme l’a tranché la Cour de cassation, le licenciement est alors verbal et par essence dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 3-4-2024 n° 23-10.931 F-D, Sté Legallais c/ K.).
Rappelons les principes en la matière : après l’avoir convoqué à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement, l’employeur qui décide de licencier un salarié doit lui notifier sa décision par lettre recommandée avec avis de réception. Cette dernière doit comporter l’énoncé du ou des motifs de rupture du contrat de travail (C. trav. art. L 1232-6).
Le licenciement verbal, qui par définition n’est pas motivé – « les paroles s’envolent, les écrits restent » – est systématiquement jugé sans cause réelle et sérieuse (il rompt certes le contrat de travail mais ne peut être régularisé ensuite par l’envoi d’une lettre).
En l’espèce, la directrice des ressources humaines de l’entreprise avait passé un coup de fil à celui dont le sort avait été scellé pour l’informer de son licenciement, la notification pour faute grave étant ensuite postée le même jour. Estimant avoir fait l’objet d’un licenciement verbal, le futur ex salarié saisit la juridiction prud’homale afin de contester la rupture de son contrat de travail.
Pour sa défense, la société avait avancé un argument inhabituel, humainement recevable : la courtoisie. Las, le droit se moque du savoir-vivre et la Cour de cassation approuve les juges du fond d’avoir jugé le licenciement du salarié sans cause réelle sérieuse.
Il y avait une solution toute bête : appeler le salarié certes, mais après être passé à la Poste pour envoyer la lettre, et ces désagréments pécuniaires et judiciaires auraient été épargnés à l’entreprise…
Sébastien Bourdon