Eternelle question, sans cesse repensée par la jurisprudence sociale : où commence et s’arrête le travail ?
Dans deux espèces successives, les Cour d’appel de Paris et d’Amiens se sont ainsi interrogées sur la nature d’accident du travail d’évènements survenus en mission (CA Paris 26-4-2024 no 21/02321 ; CA Amiens 21-5-2024 no 22/02047).
Le principe est a priori simple : relève également de l’accident du travail celui intervenu alors que le salarié est en mission, que ce soit à l’occasion d’un acte professionnel ou de la vie courante, sauf si l’employeur ou la caisse d’assurance maladie démontrent que le salarié avait interrompu sa mission pour un motif personnel.
S’agissant en l’occurrence de deux moyens de transport que l’on qualifiera de ludiques – skate-board et patins à glace – cela mériterait que l’on s’y penche (sans tomber).
Dans la première affaire, une hôtesse de l’air, en repos pendant une escale en Floride, avait choisi le skate-board pour se rendre à son déjeuner. Las, elle a chuté. L’employeur a alors soutenu que l’hôtel l’hébergeant disposant d’un restaurant, son déplacement à roulettes relevait d’un choix personnel, celle-ci ne se trouvant alors pas sous sa subordination.
La cour d’appel n’en a eu cure : l’accident avait bien eu lieu au cours de la mission, celle-ci étant définie comme un déplacement professionnel exécuté sur l’ordre de l’employeur et dans l’intérêt de l’entreprise, qu’il soit de courte durée ou nécessite un hébergement hors du domicile du salarié.
Aller au restaurant en planche à roulettes a été considéré par les juges comme un acte de vie courante sans caractère exceptionnel, même que l’intéressée n’avait pas pris des risques inconsidérés en optant pour ce mode de locomotion.
Dès lors, la salariée était bien sous la subordination de l’employeur lors de l’accident et la décision de prise en charge par la caisse était donc opposable à l’employeur.
Dans la seconde affaire, on reste dans les sports de glisse, mais en plus frais. Une salariée participait à une formation organisée par le comité social et économique, avec sortie à la patinoire en prime. Evidemment, c’était périlleux et l’impétrante chute, avec fracture à la clé.
L’employeur avait contesté le caractère professionnel de l’accident estimant que celui-ci était intervenu à un moment où la salariée n’était plus sous son autorité.
La cour d’appel d’Amiens infirme la décision des premiers juges, considérant que l’accident était survenu pendant le temps de la mission et que celle-ci n’avait pas été interrompue pour un motif personnel. En effet, participer à une activité ludique avec les collègues, n’empêchait pas la salariée de rester sous l’autorité et le contrôle de l’employeur.
Il n’est pas exclu que la solution eût été différente si les dérapages incontrôlés des salariées s’étaient produits au même moment, mais dans un cadre strictement privé.
Sébastien Bourdon