L’ancienneté ne fait pas tout (mais aide un peu quand même)

Droit Social

Nous évoquions il y a peu sur ces mêmes lignes (le terme est de circonstance s’agissant d’une affaire de pilotes d’avion) les conséquences de l’ancienneté d’un salarié sur l’appréciation des manquements dont il lui était fait grief dans le cadre de la rupture de son contrat de travail.

La Cour de cassation avait confirmé la faute grave en ne retenant pas la position initialement adoptée par la Cour d’appel qui avait considéré que la grande ancienneté du salarié était de nature à minimiser le manquement commis.

Souvent Cour de cassation varie, bien fol qui s’y fie, il ne fallait donc pas tirer de cet arrêt un retournement complet de jurisprudence mais simplement la continuité d’une appréciation concrète des situations. Ainsi, dans un arrêt plus récent, la Cour a à l’inverse considéré que l’ancienneté d’un salarié était de nature à atténuer la gravité des fautes commises (Cass. Soc. 19 mai 2016).

Le salarié dont il était question avait porté de fausses accusations de violences envers un supérieur hiérarchique, comportement qui avait justifié son licenciement, et pour faute grave tant qu’à faire.

Saisi de la contestation de cette mesure, il appartenait aux juges de déterminer si un tel comportement relevait de la qualification retenue par l’employeur.

C’est à cet exact moment de l’histoire que ressurgit le serpent de mer de l’ancienneté du salarié. Les juges du fond avaient pour leur part décidé, tout en reconnaissant la réalité des faits reprochés à l’intéressé, qu’ils ne caractérisaient pas une faute grave, mais une simple cause réelle et sérieuse de licenciement.

L’argument retenu expressément pour ce faire était que le salarié avait un peu plus de trois ans d’ancienneté. Autant dire assez peu d’ailleurs, même au regard des standards contemporains et des carrières de plus en plus éclairs que font les uns et les autres dans les entreprises. De ce fait, l’argument surprend quand même déjà un peu.

C’est même d’autant plus surprenant que le salarié avait déjà des antécédents disciplinaires (on ne sait s’il s’était déjà distingué par sa mythomanie dangereuse).

Enfin, accuser faussement quelqu’un de violences au sein d’une entreprise ne relève pas franchement d’une attaque à fleurets mouchetés.

Pourtant, la Cour, dans ce qui doit être considéré comme sa grande sagesse, a considéré que « la cour d’appel, prenant en considération l’ancienneté du salarié, a pu retenir que les faits ne rendaient pas impossible son maintien dans l’entreprise » et a donc rejeté la qualification de faute grave.

 

En réalité, la Cour poursuit son bonhomme de chemin de manière assez cohérente. Elle a d’abord longtemps exercé un contrôle strict sur les décisions des juges du fond en matière de faute grave en qualifiant d’autorité ce qu’elle considérait comme étant un fait de nature à rendre impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et, partant, constitutif d’une faute grave (voir par exemple, en matière d’atteinte à la dignité, Cass. soc. 19-1-2010 n° 08-42.260 ; de violence sur un subordonné, Cass. soc. 22-3-2007 n° 05-41.179).

Désormais, elle limite son contrôle aux erreurs manifestes de qualification commises par les juges du fond au regard des faits fautifs constatés. Dès l’instant qu’ils n’ont pas commis une telle erreur de qualification, elle s’en remet à leur appréciation (Cass. soc. 25-9-2013 nos 12-16.168 et 12-19.464 ; Cass. soc. 12-3-2014 n° 13-11.696).

 

La Cour de cassation adopte donc une position finalement plus conforme à sa mission ne s’immisçant pas dans les faits, laissant très logiquement cette tâche aux juges du fond.

L’on peut se satisfaire de cette possibilité laissée aux juges du fond de reprendre la main, même si leurs décisions sont rarement uniformes et notamment selon que l’on se retrouve devant un Conseil de prud’hommes ou une Cour d’appel.

A l’instar des juges saisis, il appartient donc aux praticiens d’apprécier in concreto les faits soumis en tenant d’envisager au mieux quel parti serait retenu par la juridiction saisie. La tâche n’est pas forcément aisée…

Réforme de la procédure en matière sociale

Droit Social

À compter du 1er août 2016, la procédure d’appel devant les chambres sociales devient une procédure avec représentation obligatoire, il est donc dorénavant impossible d’agir devant la Cour d’appel sans être représenté par un avocat ou un représentant syndical.

Les employeurs devant être représentés par un avocat, de même que les salariés, quoique ces derniers pouvant l’être également par un défenseur syndical.

Cette différence de traitement, un peu surprenante, se poursuit dans les actes de procédure. En effet, l’avocat qui inscrira l’appel devra obligatoirement, à peine d’irrecevabilité, recourir à la voie électronique dans les conditions de l’article 930-1 du CPC. Le défenseur syndical établira, quant à lui, son acte sur papier et le remettra au greffe.

Faute d’avoir accompli cette diligence, l’irrecevabilité de l’appel sera encourue.

S’agissant de la territorialité, comme pour les autres procédures avec représentation obligatoire, les parties ne pourront agir que par le biais d’un avocat du ressort de la Cour auprès de laquelle l’appel est formé. C’est à ce dernier qu’incomberont les actes de procédure. Les parties au procès pourront cependant être également assistées, notamment pour la rédaction des conclusions ou les plaidoiries, par tout avocat de leur choix, qu’il relève ou non du territoire concerné. Il restera donc, dans ce cadre, loisible à tout avocat de plaider hors son barreau de rattachement.

En revanche, nouvelle différence (inégalité ?) de traitement, aucune règle afférente à la territorialité n’est prévue pour le défenseur syndical, ce dernier pouvant donc assister les salariés devant n’importe quelle Cour d’appel, sans avoir recours à un postulant (et pouvant ainsi ne pas exposer les frais de postulation afférents).

S’agissant des délais pour conclure, l’appelant dispose maintenant d’un délai de trois mois pour ce faire (à compter de l’ouverture du dossier). L’intimé dispose d’un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant pour conclure et former, le cas échéant, un appel incident. L’intimé à un appel incident ou à un appel provoqué a, quant à lui, deux mois pour conclure en réponse.

Le non-respect par l’appelant du délai de trois mois sera sanctionné par la caducité de sa déclaration d’appel. Le non-respect de son délai de deux mois par l’intimé sera sanctionné par l’irrecevabilité de ses conclusions.

Notons le, et le changement est d’importance, la procédure jusqu’alors en principe orale devient écrite, la partie qui aura vu ses conclusions jugées irrecevables ne pourra ni produire ses pièces, ni plaider.

L’ensemble des incidents de procédure relèvera de la compétence exclusive du conseiller de la mise en état.

S’agissant des communications de pièces, les avocats ne la réitèrent généralement pas lorsque les pièces sont identiques à celles produites en première instance devant le Conseil de prud’hommes. À l’égard du greffe de la Cour d’appel, la dénonciation des pièces n’est également pas exigée. Le bordereau récapitulatif doit néanmoins être joint aux conclusions transmises, comme cela était déjà le cas et conformément aux règles de la procédure civile.

Nouveauté, un dossier comprenant les copies des pièces visées dans les conclusions et numérotées dans l’ordre du bordereau récapitulatif doit être déposé à la cour quinze jours avant l’audience. Aucune sanction n’est toutefois prévue dans ce cadre.

Enfin, l’article 1635 bis P du Code Général des Impôts dispose qu’il est institué un droit d’un montant de 225 Euros dû par les parties à l’instance d’appel lorsque la constitution d’avocat est obligatoire devant la cour d’appel (ce qui est maintenant le cas en matière sociale, sauf à être salarié et représenté par un défenseur syndical). Le droit est acquitté, à peine d’irrecevabilité, par l’avocat postulant pour le compte de son client. Il n’est pas dû par la partie bénéficiaire de l’aide juridictionnelle.

Ces modifications procédurales ne sont pas anodines, la possibilité de ne point être représenté ayant disparu et le caractère oral de la procédure étant largement supprimé. Ce souci de rigueur et ses conséquences devront être appréciés dans les mois qui viennent.

Il n’en demeure pas moins que l’on peut s’étonner des souplesses accordées par ce texte au défenseur syndical.