La mésentente, un motif subtil

Droit Social

On aimerait parfois que cela soit suffisant, mais ne pas aimer son prochain ne justifie pas forcément que l’on puisse s’en débarrasser.

C’est particulièrement vrai sur le lieu de travail où peut prendre à tout un chacun l’envie de voir disparaître un collègue exaspérant, sa seule personnalité étant intrinsèquement un motif de licenciement.

Las, comme l’a rappelé cet été la Cour de cassation, les difficultés relationnelles ne constituent pas un motif disciplinaire de licenciement (Cass. soc. 12-6-2024 n° 22-12.416 F-D, X. c/ Caisse nationale de réassurance mutuelle agricole Groupama).

En l’espèce, un employeur reprochait à un salarié occupant les dignes fonctions de « Responsable Validation Interne », sa mésentente avec son entourage professionnel (évidemment, si le type est chargé de valider, et qu’il ne valide jamais rien ni personne, ça casse un peu l’ambiance). Il est licencié pour cause réelle et sérieuse.

Le salarié conteste la validité (forcément) de son licenciement en justice et soutient que celui-ci repose sur un motif disciplinaire. Le cas échéant, l’employeur serait alors tenu par la procédure disciplinaire de licenciement.

Dans un arrêt d’espèce, la Cour de cassation rejette la demande du salarié, jugeant que les difficultés relationnelles et de communication persistantes causant des dysfonctionnements professionnels et générant un climat de tension permanente ne constituent pas un motif disciplinaire de licenciement. Le licenciement repose en effet sur une mésentente non fautive.

La cour d’appel avait déjà considéré que l’existence de rapports tendus avec les collègues ne caractérisaient pas un motif disciplinaire, justifiant que l’employeur ne retienne pas la procédure et la motivation ad hoc.

En effet, la mésentente entre salariés peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement si elle repose sur des faits objectifs imputables au salarié (Cass. soc. 27-11-2001 no 99-45.163 FS-P), comme c’est le cas ici. C’est finalement la personnalité même du salarié qui crée une mésentente et provoque un dysfonctionnement justifiant le licenciement, sans qu’il y ait lieu de chercher plus loin.

Mais alors à quel moment ne pas s’entendre avec les autres devient une faute (on touche carrément à la philosophie) ? Comme souvent, cela dépend des circonstances, et c’est aux juges du fond d’en décider.

Agresser ou harceler justifiera le licenciement disciplinaire, quand un caractère difficile ou pointilleux à l’excès obligera à se cantonner au licenciement pour motif personnel (motif fragile toutefois, ne devant pas virer au « délit de sale gueule »).

Sébastien Bourdon