A Angers (49100), un Conseil de prud’hommes a jugé que refuser la nouvelle identité de genre d’un/une salarié-e est discriminatoire (CPH Angers 24-6-2024 n° 23/00342).
La pudeur des termes du jugement et des premiers commentaires est telle que l’on pourrait douter des faits de l’espèce.
Une salariée – dont on imagine qu’elle était d’abord un – décide d’assumer sa nouvelle identité de genre en allant travailler avec un maquillage et des vêtements conformes à sa nouvelle identité sexuelle féminine.
La direction du fast-food ne l’entend pas de cette oreille et décide d’interdire à ses collègues d’utiliser son prénom féminin et de la désigner comme telle. Plus détonnant et ridicule, la direction s’en prend à la devenue salariée en lui imposant des restrictions quant à l’usage du maquillage et à l’expression de sa revendication de genre.
La loi n’est pas forcément une absurdité déconnectée des réalités sociétales et c’est ainsi que, depuis le 6 août 2012, l’identité de genre (auparavant « identité sexuelle », avant la loi du 18 novembre 2016) est un motif discriminatoire visé aux articles L 1132-1 du Code du travail et 225-1 du Code pénal.
Sont concernées les personnes transsexuelles ou transgenres, victimes de discriminations commises ni à raison de leur sexe (ce n’est pas parce qu’elles sont hommes ou femmes qu’elles sont discriminées) ni à raison de leur orientation sexuelle (ce n’est pas non plus parce qu’elles sont homosexuelles ou bisexuelles qu’elle sont visées), mais à raison de leur situation particulière d’homme ou de femme ayant une apparence physique ne correspondant pas à leur état civil, ou ayant changé d’état civil. Ce n’est plus le sexe, mais l’apparence sexuelle contradictoire qui est ainsi mise en exergue et protégée.
C’est dans ce cadre légal que s’est inscrit le conseil de prud’hommes d’Angers, le 24 juin 2024.
Pour se défendre, l’employeur avait fait un peu de fouilles archéologiques, puisqu’il avait déterré la loi du 6 fructidor an II (23 août 1794) selon laquelle chacun ne peut porter que ses nom et prénom de naissance, arguant du fait que l’identité d’une personne est immuable.
Las, l’argument était périmé, l’article 60 du Code civil, (loi 2016-1547 du 18 novembre 2016), prévoit que toute personne peut demander à l’officier d’état civil à changer de prénom, celui-ci pouvant saisir le procureur de la République lorsqu’il estime que la demande ne revêt pas un intérêt légitime.
L’administration a même précisé que la transsexualité était un des motifs légitimes de modification du prénom. La salariée concernée avait d’ailleurs obtenu le changement de son prénom à l’état civil.
Il n’y avait donc strictement aucune raison valable – même éventuellement liée aux tâches à accomplir – de s’opposer à ce changement de patronyme (et de tenues vestimentaires) : le conseil de prud’hommes a jugé que la salariée avait été victime de discrimination en raison de son identité de genre.
Sébastien Bourdon