Face au comportement inacceptable d’un salarié, comment déterminer la sanction applicable ? La créativité n’est en effet pas toujours sans risque.
En l’espèce, un cadre de haut niveau d’une banque d’investissement est licencié pour faute grave, du fait de son comportement inapproprié à l’égard de plusieurs collaboratrices qualifié, oh surprise, de harcèlement sexuel.
L’employeur double la mise en refusant de surcroît de lui verser une partie de sa rémunération variable, invoquant les dispositions du Code monétaire et financier : ce dernier permet de réduire en tout ou partie le montant total de la rémunération variable si le salarié s’est distingué par des agissements ou comportements susceptibles d’entraîner des pertes sérieuses à son employeur. Il y est également mentionné la possible prise en considération du défaut de respect des exigences d’honorabilité et de compétence.
Et sur cette base textuelle aux accents moralistes que le salarié se fait sucrer sa rémunération variable.
La Cour de cassation ne va toutefois pas l’entendre complètement de cette oreille. Tout lourdingue qu’ait pu être le salarié, son comportement était sans lien direct et étroit avec son activité professionnelle, et ne caractérisait donc pas le défaut de respect des exigences d’honorabilité, ni le comportement professionnel à risque allégué.
Si le dragueur de la machine à café a donc pu conserver son salaire variable, restait la question de la faute grave retenue par l’employeur, fondée sur son « comportement inconvenant ».
Qu’est-ce qui justement caractérisait ce comportement : selon l’employeur, ce dernier avait envoyé des messages à son assistante lui proposant de passer la nuit avec lui. Il avait invité une salariée intérimaire à visiter une chambre d’hôtel et avait fait des commentaires sur la manière dont une autre salariée mangeait des bananes, qualifiée d’« inspirante » (élégance, quand tu nous tiens).
Si la Cour d’appel avait pu ici faire preuve de mansuétude, en ne retenant par la faute grave mais la seule cause réelle et sérieuse, le vent a tourné avec la Cour de cassation : les messages à connotation sexuelle envoyés à des subordonnées et la gêne occasionnée par la situation imposée par ce supérieur hiérarchique avaient créé une situation intimidante ou offensante pour ces dernières, caractérisant le harcèlement sexuel, au sens de l’article L 1153-1 du Code du travail.
D’aucuns diraient « on ne peut plus rien dire », mais c’est peut-être mieux finalement, ce qu’a rappelé la Cour de cassation (Cass. soc. 13-3-2024 n° 22-20.970 FS-B, Sté Cacib c/ E).
Sébastien Bourdon