Faute plus qu’à moitié pardonnée

Droit Social

Lorsqu’il est pris en faute, tel un garnement moyen, le salarié peut être tenté de se défausser sur son supérieur en déclarant, je n’y suis pour rien, c’est lui qui m’a dit de faire ça. Et bien il semble que cette ligne de défense puisse être recevable, comme dans l’espèce dont il est ici objet (Cass. soc. 12-7-2022 n° 20-22.857 F-D, Sté Etablissements horticoles Georges Truffaut c/ Z.).

En l’espèce, un salarié, employé en qualité de directeur des systèmes d’information est licencié pour faute grave. L’addition semble en effet lourde : comportement irrespectueux, harcèlement moral à l’égard d’une subordonnée et l’instauration d’un climat de tension et de peur « avec une volonté affichée d’éliminer l’ancienne équipe au profit de collaborateurs embauchés par lui-même ».

Le salarié conteste cette décision (sinon on n’aurait pas eu l’occasion d’en parler ici), considérant que son employeur, informé de ses méthodes managériales, les aurait implicitement et explicitement soutenues.

En appel, les juges du fond lui donnent raison et considèrent que les faits ne constituaient ni une faute grave, ni même une cause réelle et sérieuse de licenciement.

La décision peut surprendre : en effet, tout salarié se rendant coupable de harcèlement moral est en principe passible d’une sanction disciplinaire (article L 1152-5 du Code du travail), l’employeur, tenu à une obligation de sécurité à l’égard de la victime, devant mettre fin à cette situation en faisant usage de son pouvoir disciplinaire.

Tant qu’à énoncer des évidences, rappelons que la faute grave est celle qui, par son importance, rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. S’agissant de mettre fin à une situation de souffrance, elle est généralement admise en matière de harcèlement moral (et sexuel), mais, à l’instar des antibiotiques, ce n’est pas automatique.

En effet, la faute grave ayant pour effet de vous priver séance tenante de votre emploi, pour pouvoir l’invoquer à l’encontre d’un salarié coupable de harcèlement moral, l’employeur doit prouver la gravité des faits et l’impossibilité de maintenir le salarié dans l’entreprise.

Comme le chantait feu Dani, « tout dépend du contexte » : en cas de litige, cet élément de fait est laissé à l’appréciation souveraine des juges du fond, comme en témoigne la décision de la Cour de cassation du 12 juillet 2022.

Et c’est ainsi que la Cour de cassation a validé le raisonnement avancé par les juges du fond pour absoudre elle aussi le salarié licencié pour faute grave :

  • les méthodes managériales du salarié en cause étaient connues de l’employeur et n’avaient pas été réprouvées par sa hiérarchie ;
  • il avait régulièrement partagé ses constats avec sa hiérarchie et conduit un processus de réorganisation en lien avec elle ;
  • l’employeur avait défendu les décisions qu’il avait prises.

En conséquence, le comportement du salarié était bien le résultat d’une politique managériale partagée et encouragée par la hiérarchie. Il est vrai que c’était un peu facile, même si assez banal, de faire reposer sur une petite main des manquements commis en haut lieu…

Sébastien Bourdon

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