De l’art d’être jeune père et salarié

Droit Social

Prenant en compte les évolutions de la société, le législateur a récemment apporté quelques modifications au statut du jeune père salarié avec la loi 2014-873 du 4 août 2014 dite « pour l’égalité réelle entre les hommes et les femmes ».

Une fois n’est pas coutume, le législateur dans cette démarche, s’est attardé sur le cas du père salarié et notamment par le biais de deux dispositions détaillées ci-après.

Tout d’abord, le conjoint de la future mère pourra bénéficier de trois autorisations d’absence pendant la grossesse (article 11 de la loi précitée).

La loi modifie ainsi l’article L 1225-16 du Code du travail pour permettre au conjoint d’une future mère de se rendre à trois des examens médicaux obligatoires de suivi de la grossesse. On parle ici généralement d’échographies, pour ceux qui auraient des doutes.

Cette autorisation d’absence est accordée aux personnes mariées, mais également à celles liées par un pacte civil de solidarité ou vivant maritalement avec la future mère, quel que soit leur sexe. Une femme salariée peut donc en bénéficier.

L’autorisation d’absence étant accordée pour se rendre à des examens médicaux, la durée de l’absence devrait comprendre non seulement le temps de l’examen médical, mais également le temps du trajet aller et retour. Mais tout le monde sait qu’il ne vaut mieux habiter trop loin de la clinique…

L’employeur devrait pouvoir exiger du salarié qu’il justifie de son lien avec la future mère, mais également d’un certificat du médecin suivant la grossesse et attestant que l’absence est liée à un examen prénatal obligatoire.

Très logiquement, ces absences autorisées ne devront entraîner aucune diminution de la rémunération. Elles sont donc assimilées à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits légaux ou conventionnels acquis par le salarié au titre de son ancienneté dans l’entreprise.

Encore plus fort, si l’on peut dire, les jeunes pères sont même maintenant protégés pendant quatre semaines contre le licenciement (article 9 de la loi). Durant les quatre semaines qui suivent la naissance de son enfant, le jeune père ne peut être licencié que s’il commet une faute grave ou si le maintien de son contrat de travail est impossible (nouvel article L 1225-4-1 du Code du travail).

Cette protection est accordée pendant les quatre semaines qui suivent la naissance de l’enfant, que le salarié choisisse de s’absenter – dans le cadre du congé de naissance, du congé de paternité et d’accueil de l’enfant ou de congés payés – ou qu’il reste présent dans l’entreprise au cours de cette période.

L’objectif de cette mesure est d’empêcher que la situation de famille du salarié ou le fait qu’il prenne son congé de paternité devienne un motif, même inavoué, de licenciement. Les bouleversements liés à l’arrivée d’un enfant ne s’interrompant pas au bout de quatre semaines, d’aucuns pourront dire que c’est un peu court, quand d’autres trouveront que c’est déjà ça.

La protection accordée au jeune père n’interdit toutefois pas à l’employeur de le licencier s’il a commis une faute grave ou si le maintien du contrat de travail est impossible pour un motif étranger à l’arrivée de l’enfant, tournures que l’on rencontre déjà dans notre code du travail.

En effet, le dispositif est inspiré de la protection dite « relative » accordée aux mères pendant les quatre semaines qui suivent leur retour de congé de maternité. Les principes posés par la jurisprudence à propos des jeunes mères devraient donc logiquement être transposables aux pères.

Ainsi, la faute grave ne devrait pas pouvoir être retenue si elle est liée à la naissance de l’enfant : par exemple, une absence injustifiée liée à des problèmes de santé dont souffrirait le nouveau-né ne pourrait donc pas justifier la rupture du contrat de travail (pas encore de jurisprudence sur le fait que le délicieux bambin ne fasse toujours pas ses nuits).

S’agissant de l’impossibilité de maintenir le contrat de travail, on pense souvent aux difficultés économiques de l’entreprise, l’employeur serait tenu de justifier précisément le motif de la rupture, et de ne pas manquer de préciser en quoi le maintien du contrat de travail serait impossible.

La loi ne prévoit pas expressément les sanctions encourues par l’employeur qui licencierait un salarié dans les quatre semaines suivant la naissance de son enfant sans justifier d’une faute grave ou d’une impossibilité de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à l’arrivée de l’enfant.

Par analogie avec la protection accordée aux jeunes mères, on peut considérer qu’un tel licenciement serait nul. Le salarié pourrait donc se prévaloir d’un droit à réintégration dans l’entreprise assorti d’une indemnisation compensant les salaires perdus entre son licenciement et sa réintégration ou bien, à défaut de réintégration, de dommages et intérêts ainsi que des indemnités de rupture du contrat de travail.

Sur le plan pénal, l’article R 1227-5 du Code du travail sanctionne le non-respect des règles relatives à la protection de la grossesse et de la maternité par une amende de 1 500 Euros pour une personne physique et de 7 500 Euros pour une personne morale. Mais la loi pénale étant d’application stricte, ces dispositions ne sont pas transposables en l’état aux pères salariés.

On ne doute pas de ce que les employeurs s’adapteront à ces nouvelles règles, la question est plutôt de savoir si les bénéficiaires de ces dispositions se lèveront plus souvent la nuit pour s’occuper des enfants. Mais là n’est pas l’objet de cette chronique.

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