En toute logique, la Cour de cassation poursuit la construction d’un édifice jurisprudentiel afférent aux conventions de forfait-jours (problématique déjà évoquée sur ces lignes et que l’on peut retrouver ici : https://bourdonavocats.fr/blog/bourdonnement.asp?id=8). L’exercice pour l’employeur est finalement périlleux : il faut prévoir de manière rigide un système en apparence souple.
Ainsi, le 12 mars dernier, la Cour de cassation a arrêté le principe suivant : toute convention de forfait en jours doit fixer exactement le nombre de jours travaillés. Par ailleurs, l’entretien annuel sur la charge de travail doit bénéficier à tous les salariés soumis au dispositif y compris ceux qui ont signé leur convention avant le 22 août 2008 (Soc. 12 mars 2014, FS-P+B, n° 12-29.141).
Pour mémoire, la chambre sociale a précisé que toute convention de forfait en jours devait être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires, et que lorsque l’employeur ne respecte pas ces stipulations, le salarié peut prétendre au paiement d’heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l’existence et le nombre (nombre de jours devant être compatible avec les dispositions sur les durées maximales de travail – Soc. 29 juin 2011, n° 09-71.107).
Par ce nouvel arrêt, la Cour reste dans la même ligne, sans ambigüité. En l’espèce, un salarié avait saisi le Conseil des prud’hommes à la suite son licenciement pour faute grave. Ce dernier sollicitait notamment que soit constatée la nullité de sa convention de forfait-jours. Cette demande se justifiait selon lui à deux titres : le défaut de la mention du nombre exact de jours travaillés et l’absence d’entretien annuel relativement à la charge de travail, à l’organisation du travail dans l’entreprise et à l’articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle conformément aux dispositions de l’article L. 3121-46 du code du travail.
Sur l’absence du nombre exact de jours travaillés, la cour d’appel de Versailles a débouté le salarié de sa demande au motif que « la fourchette de 215 à 218 jours de travail indiquée dans la lettre d’embauchage et sur les bulletins de salaire ne fait que traduire l’impossibilité de déterminer de façon intangible le nombre maximum de jours travaillés chaque année du fait des variables liées au calendrier ; que cette marge d’incertitude infime et commune à tous les forfaits annuels ne remet pas en cause leur validité ». La Cour de cassation n’a naturellement pas retenu cette souplesse accordée à l’employeur par la cour d’appel et, au visa de l’article L. 3121-45 du code du travail, cassé en ces termes lapidaires : « une convention de forfait en jours doit fixer le nombre de jours travaillés ». Sur cet aspect contractuel comme sur d’autres, il appartient aux parties de préciser la nature de leurs obligations et donc de fixer précisément le nombre de jours compris dans la convention individuelle.
Sur le défaut d’organisation d’entretien annuel, les juges du fond ont condamné l’employeur au paiement d’une indemnité pour exécution déloyale de la convention de forfait en jours. En tout état de cause, en n’organisant pas cet entretien annuel, lequel relève manifestement des garanties apportées par le législateur en matière de santé et de repos, l’employeur s’expose à ce que la convention de forfait soit privée d’effet.
Cette décision est limpide quant à certaines des précautions à prendre par l’employeur pour se préserver de déconvenues prud’homales potentielles : ne pas manquer de préciser le nombre de jours travaillés dans la convention de forfait et ne pas oublier d’organiser au moins annuellement un entretien avec le salarié concerné sur les conditions d’exécution de son travail.