La critique est facile mais l’art est difficile, voilà qui est particulièrement pertinent lorsqu’il s’agit d’évaluer le travail des salariés.
Dans un arrêt du 15 octobre 2025, la Cour de cassation a jugé un dispositif d’évaluation professionnelle illicite en raison de critères imprécis et subjectifs, voilà qui mérite qu’on s’y attarde un peu, d’autant que rares sont les arrêts en la matière (Cass. soc. 15-10-2025 no 22-20.716 F-B, Sté Laitière de Vitré c/ Syndicat général agroalimentaire CFDT d’Ille-et-Vilaine).
Pour mémoire, et c’est l’évidence des évidences, le grand principe arrêté par la Cour de cassation il y a dix ans se résumait ainsi : les méthodes d’évaluation des salariés doivent reposer sur des critères précis, objectifs et pertinents au regard de la finalité poursuivie (Cass. soc. 14-12-2015 no 14-17.152 F-D : RJS 3/16 no 188), ce qu’elle a donc ici confirmé.
Les magistrats se sont penchés ici sur l’applicabilité de ce principe à des critères d’évaluation du comportement.
Le dispositif dont il était question était appelé « procédure d’entretien de développement individuel » et, à la suite de l’action intentée par un syndicat, les juges du fond l’ont déclaré illicite, interdisant à l’employeur de l’utiliser.
La Cour d’appel de Rennes avait tout d’abord considéré que la partie du dispositif consacrée aux « compétences comportementales groupe » interrogeait quant à la garantie d’un système d’évaluation suffisamment objectif et impartial.
En effet, impossible de savoir la part que prenaient ces critères dans l’évaluation globale faite du salarié, ce qui était d’autant plus problématique qu’ils étaient empreints de subjectivité moralisatrice : « optimisme », « honnêteté », « bon sens » …
Il faut reconnaitre que jauger un salarié sur sa bonne humeur le lundi matin, c’est raide. Cela l’est d’autant plus que ces notions vagues induisent mécaniquement une approche trop subjective de la part de l’évaluateur.
Tout cela aboutissant à oublier que la finalité première d’une évaluation professionnelle consiste à mesurer… les aptitudes professionnelles.
Bref, il reste permis d’évaluer ses employés, mais à condition de le faire sur de bonnes bases, c’est-à-dire en s’intéressant à l’activité professionnelle, de manière concrète et objective.
Sébastien Bourdon