Le harcèlement moral, c’est interdit, et s’y adonner sans vergogne peut justifier un licenciement pour faute grave. Pourtant, parce qu’on aime la complexification en droit du travail, un management toxique, mais dénué de toute teinte harcelante pour les subordonnés, peut quand même fonder un licenciement pour faute grave, comme vient de le dire la Cour de cassation (Cass. soc. 14-2-2024 n° 22-14.385 F-D).
En effet, selon la Cour suprême, des méthodes de gestion de nature à impressionner les subordonnés et à nuire à leur santé constituent une faute grave, sans que la qualification de harcèlement moral soit exigée.
En l’espèce, la directrice d’une association gestionnaire d’un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes avait été licenciée pour faute grave après que diverses sources concordantes et étayées l’aient accusée d’être la cause d’un mal-être et une souffrance de la majorité du personnel (avec diverses conséquences préjudiciables, telles que démissions etc.).
Pour juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse, la Cour d’appel avait reproché à l’employeur de ne pas avoir engagé d’enquête interne pour vérifier que les faits rapportés étaient effectivement constitutifs de harcèlement moral imputables à la directrice, estimant que les pièces versées étaient insuffisantes à le démontrer.
Plus spécifiquement, pour la Cour d’appel, la dénonciation d’un climat de travail tendu, de conditions et de relations de travail effectivement difficiles et heurtées, ne pouvait valoir qualification de harcèlement moral, pas plus que les décisions sur l’affectation des salariées, la surcharge de travail ou la situation de tension voire de stress ou de contrariété, quel qu’en soit l’intensité. Il n’y avait donc pas de faute grave.
A la lecture, on constate que si la cour d’appel n’avait pas voulu décorréler la faute grave du harcèlement moral, la Cour de cassation, pour casser l’arrêt rendu, énonce qu’un mode de gestion inapproprié de nature à impressionner et nuire à la santé des subordonnés, est à lui seul de nature à caractériser un comportement rendant impossible le maintien dans l’entreprise.
L’obligation de prévention des risques professionnels des salariés est générale et ne saurait effectivement être cantonnée au seul harcèlement moral (ou sexuel).
Sébastien Bourdon