Le signe religieux sur le lieu de travail : l’analyse par la fiction

Droit Social

« La Crèche : Mécanique d’un Conflit » de François Hien - Espace 1789, Saint-Ouen

Rappel des faits : au sein d’une crèche privée, nonobstant un règlement intérieur interdisant l’affichage de signes religieux, une employée persiste à garder son foulard islamique. La directrice lui laisse le choix de l’enlever ou de démissionner.

La tentative de la salariée d’obtenir une rupture conventionnelle tourne court et vire au licenciement pour faute grave, prémisse d’une longue guerre judiciaire, largement médiatisée, illustration emblématique de l’adage selon lequel l’enfer est pavé de bonnes intentions.

L’aventure s’est achevée lorsque, le 25 juin 2024, l’assemblée plénière de la Cour de cassation a considéré que le licenciement de la salariée était justifié : la clause du règlement intérieur était licite, ayant un caractère suffisamment précis, justifié et proportionné.

Pour la Cour, les activités avec de jeunes enfants pouvaient légitimer une restriction de la liberté des salariés de manifester leurs convictions religieuses.

Le règlement intérieur de la crèche ayant été jugé licite, le licenciement de la salariée pour faute grave est considéré comme justifié.

La pièce – de fiction, lieux et personnages sont inventés – tire sa trame et son propos de cette fameuse affaire.

Affrontement en plusieurs parties, l’œuvre est au sens propre un dossier, où chacun va bâtir et adapter son argumentaire pour que soit finalement tranchée une situation irréconciliable. Car la justice des hommes est ainsi faite que la compréhension et la nuance n’empêchent pas la nécessité d’une décision.

Voilà une pièce que l’on regardera de sa fenêtre, socio-culturellement parlant, avec peut-être quelques inquiétudes. Chacun y trouvera ponctuellement ce qu’il espère ou croit, pour être bousculé ensuite dans ses convictions, du fait d’un permanent contre-champ possible.

L’habileté de la pièce réside en effet dans cette redistribution continue de la parole et des points de vue.

L’exercice est d’autant plus délicat que, si longue dure la pièce, elle n’en est pas moins tourbillonnante, les scènes et situations s’enchaînant sans répit : il serait aisé de perdre le fil, et c’est un véritable tour de force d’écriture et de jeu que de nous maintenir à flot tout du long, sans lassitude ni temps mort.

À la sortie de la salle, on se souvient que la justice est passée mais que les problématiques subsistent. Si la pièce donne à entendre tout le monde, il est probable qu’elle ne modifie qu’à la marge les convictions des uns et des autres. Toutefois, exposer tous les points de vue est rare, justifiant très largement l’enthousiasme que suscite ce spectacle.

Sébastien Bourdon

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