Nul n’est censé ignorer la loi, mais qu’en est-il de la connaissance des faits ? Il arrive que leur connaissance partielle fausse la décision prise, et c’est notamment le cas s’agissant de salariés dissimulant leur protection par un mandat extérieur à l’entreprise qui les emploie (en revanche, ne pas connaître ses propres élus, ça marche tout de suite moins bien comme excuse).
Dans un arrêt du 3 septembre dernier, la Cour de cassation a été limpide : pour bénéficier du statut protecteur, le salarié doit avoir informé l’employeur qu’il exerce un mandat extérieur à l’entreprise avant l’entretien préalable au licenciement ou, si la rupture ne nécessite pas d’entretien, avant la notification de la rupture de son contrat de travail (Cass. soc. 3-9-2025 no 23-18.275 F-D, D).
Aussi, pour se prévaloir du statut protecteur attaché à un mandat extérieur à l’entreprise (conseiller du salarié, conseiller prud’homme ou – comme en l’espèce – défenseur syndical), le salarié devra :
- avoir informé son employeur de l’existence de ce mandat ou de son renouvellement, au plus tard lors de la convocation à l’entretien préalable en cas de procédure de licenciement, ou avant la notification de la rupture dans le cas où cette dernière ne nécessite pas d’entretien,
- ou démontré que l’employeur avait connaissance de son mandat avant la rupture.
S’agissant en l’espèce d’un défenseur syndical – pour les néophytes : celui qui représente les parties devant le conseil de prud’hommes ou la cour d’appel en matière prud’homale – il lui est légalement accordée une protection similaire à celle du délégué syndical (C. trav. art. L 1453-9).
Dans un monde idéal (où il n’y aurait pas besoin d’avocat !), le DREETS informe l’employeur du salarié que celui-ci est inscrit sur la liste régionale des défenseurs syndicaux (C. trav. art. D 1453-2-7). L’administration, comme les services RH, pouvant connaître des défaillances, cela ne libère pas pour autant le défenseur syndical de son obligation d’informer son employeur de son mandat extérieur.
Dans l’affaire soumise à la Cour de cassation, le salarié, inscrit sur la liste des défenseurs syndicaux par arrêté préfectoral du 3 août 2020, avait, tranquillou sans rien en dire, dès le lendemain adressé à son employeur une lettre prenant acte de la rupture de son contrat de travail à ses torts, poursuivant l’initiative devant le Conseil de prud’hommes.
Ça n’a marché qu’à moitié : la cour d’appel puis la Cour de cassation, l’ont débouté de sa demande en nullité et ont fait produire à la rupture les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, réduisant singulièrement le montant des dommages et intérêts.
La morale est sauve !
Sébastien Bourdon
